Dernière mise à jour : 2013.03.12 8h

Échanges au sujet du BHNS Ouest avec M. Moudenc,

conseiller municipal de Toulouse, conseiller communautaire de Toulouse Métropole, ancien maire de Toulouse, député de la 3ème circonscription de la Haute-Garonne.


Bonjour M. Moudenc et merci beaucoup d'avoir pris le temps de rédiger ces commentaires, qui offrent une vraie manifestation de débat public et de proximité d'élu avec ses administrés.

Je vous prie de trouver ci-dessous mes réponses :


Jean-Luc Moudenc :

J’ai lu avec attention votre étude justifiant la création d’une ligne BHNS de Plaisance du Touch à Matabiau.
J’ai noté dans votre analyse, fort intéressante, des incohérences qui m’amènent à formuler les observations qui suivent.
Vous présentez tout d’abord les différents projets de TCSP de l’agglomération toulousaine en termes d’investissement rapporté à la fréquentation. Vous comparez des données non comparables: d’une part des résultats, ceux du métro ligne A et B, et du tram T1, d’autre part des estimations de projets, des trams Garonne et Envol, de l’Aérotram, du prolongement de la ligne B à Labège, du BHNS Sud-Ouest !

Ce que vous dites est vrai, mais comment faire autrement?

Vous serez certainement d'accord pour dire qu'il vaut mieux faire des calculs avant que l'ouvrage soit construit, en se basant donc nécessairement sur des estimations, plutôt que de construire des ouvrages "au feeling" et se dire qu'on ne fera des calculs qu'une fois l'ouvrage terminé...


Jean-Luc Moudenc :

On sait que les estimations de trafic sont aléatoires mais les prévisions de coûts le sont tout autant. Il est rare que les coûts réels ne soient pas supérieurs aux prévisions.

Je n'ai pas d'informations à ce sujet. Pour la construction de la ligne B, est-ce que le coût réel a été supérieur à celui annoncé au public? Si oui, de combien?

Puisque vous avez travaillé dans le domaine de la presse régionale, vous conviendrez sans doute que si l'on avait de vrais journalistes d'investigation dans la presse locale, certains d'entre eux pourraient éplucher les marchés publics et les avenants adoptés (à commencer par les fichiers disponibles sur http://www.Tisseo.Fr/lespace-pro/marches-publics), pour un vrai contrôle citoyen des montants annoncés... Mais pour un simple particulier qui a déjà un travail, cela représente une tâche considérable...

Pour les coûts de certains projets futurs, des éléments plaident en faveur du fait qu'ils ne soient pas significativement dépassés :


Jean-Luc Moudenc :

Par ailleurs, quand on ajoute des tronçons comme vous le faites pour le tramway, il est faux de croire que l’on peut simplement ajouter des passagers. En effet, avec cette technique de calcul, certains passagers seraient comptés deux fois. Il faut prendre le nombre total de passagers comme si la ligne avait été construite en une seule fois.

Les chiffres que j'ai indiqués et utilisés sont bien les estimations de passagers supplémentaires.

Par exemple ici : http://www.Toulouse-Metropole.Fr/projets/tramway-garonne, il est écrit :

(Apparté : je rêve que les dirigeants et communicants de tous bords et de tous territoires soient plus rigoureux dans leurs annonces, et précisent au minimum "par jour ouvrable", sans même parler du fait que du 14 juillet au 15 août la fréquentation est substantiellement plus faible, etc.)

Pour ce prolongement Garonne j'ai donc pris dans mon tableau l'estimation de trafic à très court terme (24000 voyages supplémentaires/jour ouvrable).

Avec cette estimation de 30000 voyages/jour ouvrable (il s'agit de l'estimation en 2020, à laquelle contribuent entre autres les voyageurs amenés par le BHNS Ouest), l'investissement tombe alors à 15 €/(voyage/an), rénovation urbaine comprise.

Et même avec une estimation plus basse : 20000 voyages/jour ouvrable, l'investissement serait de l'ordre de 20 €/(voyage/an), ce qui reste tout à fait satisfaisant (investissement encore plus efficient que ceux de chacune des lignes de métro, avec la requalification urbaine en bonus inclus!).


Jean-Luc Moudenc :

Les comparaisons sur les services existants montrent que, contrairement à ce qui est claironné, le coût d’investissement ramené au voyageur du métro est la moitié de celui du tram.

Cela rejoint ma deuxième observation formulée ci-dessus. Pour comparer sur la même base, il faudrait ajouter aux coûts des lignes de métro, l'ensemble de coûts de rénovations d'espaces publics qui ont été réalisées en surface au dessus de ces lignes de métro, pendant par exemple 15 ou 20 ans (durée de vie moyenne des investissements en voirie et espaces publics?)

En outre, j'attends avec impatience les chiffres de fréquentation 2012 du tramway T1, pour réactualiser mon tableau, car la toute première année d'exploitation d'un tramway n'est probablement pas très représentative.

Et j'attends surtout la mise en service des prolongements Garonne et Envol, car à l'heure actuelle la ligne était vraiment dans un état temporaire incomplet : il était tout à fait "non normal" que la troisième ligne de TCSP guidé d'un réseau ne rencontre qu'une des deux premières, alors que son orientation générale la dirige également vers la deuxième, et il était tout aussi "non nominal" qu'une ligne de TCSP passe à proximité d'un générateur de trafic aussi important que l'aéroport de Toulouse, sans le desservir.

D'ailleurs, c'est sous votre mandature qu'ont été décidés la majorité des kilomètres et la majorité des investissements en tramway confirmés jusqu'à présent, donc c'est bien que vous avez trouvé ce mode de transport pertinent, au moins à une époque pas si lointaine.

En votre qualité d'élu, vous bénéficiez sans doute d'un accès facilité aux informations de fréquentation.
Pourriez-vous communiquer la fréquentation 2012 du tramway dès que ce chiffre sera disponible?
Ce serait très aimable de votre part, et très positif pour la transparence des résultats de l'action publique (ce qui correspond désormais à une demande forte des administrés, d'où la démarche "Open data" :
http://Data.GrandToulouse.Fr, mais qui ne propose pas encore de données relatives à la fréquentation des transports en commun). (

Ajout ultérieur : la fréquentation du tramway a augmenté de 15,4% en 2012 par rapport à 2011.)


De plus, une observation générale : il ne serait pas choquant que le coût d'investissement ramené au voyageur soit plutôt en légère augmentation pour les nouveaux projets (ce qu'on constate déjà avec la ligne B par rapport à la ligne A).

En effet, on a évidemment commencé par construire des TCSP là où la demande était la plus forte, et cela est bien normal.

À présent, il faut continuer d'en construire d'autres (comme le font toutes les agglomérations développées), là où la demande est un peu plus faible (ce qui fait que le tram ou le BHNS peut y être plus adapté que le métro); le trafic sera donc bien entendu inférieur à celui de la ligne B (et a fortiori à celui de la ligne A), mais il est néanmoins largement suffisant pour justifier la création de TCSP de surface.

Le même phénomène s'applique pour les Lignes à Grande Vitesse : on a commencé par construire Paris-Lyon, parce que c'est là qu'il y avait le plus de demande, mais à présent il faut aussi construire Bordeaux-Toulouse et/ou Toulouse-Narbonne. Peut-être avec un investissement plus contenu, par exemple peut-être pas à 320 ou 350 km/h tout le long du tracé car la demande y est moindre, mais il faut les construire quand même.
En particulier pour passer à l'étape suivante du transport ferroviaire de voyageurs : les extrémités métropolitaines et l'international, avec des trains de nuit à grande vitesse (avec lits, comme l'Espagne en a récemment acquis) reliant Perpignan-Narbonne-Carcassonne-Toulouse à Lille-Londres/Bruxelles-Rotterdam-Amsterdam, Strasbourg-Francfort ou encore Lisbonne, Milan ou Rome, afin de pouvoir faire ces voyages de centre-ville à centre-ville sans perdre la moitié voire deux tiers d'une journée (transferts vers et depuis l'aéroport + enregistrement(s) + embarquement(s) + vol(s)), tout en réduisant notre déficit commercial et notre dépendance vis-à-vis de pays exportateurs de pétrole, et en oeuvrant pour limiter les nuisances pour les habitants des zones exposées au bruit de l'aéroport de Blagnac (dont entre autres Lardenne).


Jean-Luc Moudenc :

Je regrette cependant que vous n’ayez pas poursuivi votre analyse en calculant les coûts de fonctionnement et en intégrant l’amortissement de ces différents TCSP, ce qui vous aurait permis de justifier vos propos « plus un mode de transport est lourd, plus le coût de fonctionnement par passager est faible » et démontrer ainsi l’intérêt du choix du métro sur des axes à forte fréquentation.

Personne ne remet en cause l'intérêt du métro sur le tracé de la ligne A ou de la ligne B. Par contre, construire du métro jusqu'à Plaisance-du-Touch serait évidemment absurde (déjà que pour Labège cela semble discutable...), sans parler de Fonsorbes qui va bientôt intégrer le Périmètre des Transports Urbains de par leur adhésion à la Communauté d'Agglomération du Muretain; il faut donc bien apporter une solution différente, mais également efficace, pour l'ouest-sud-ouest de Toulouse.


Jean-Luc Moudenc :

Et que dire de la rentabilité d’un doublement des rames de la ligne A !

À vrai dire, je pense que la rentabilité intrinsèque du doublement n'est pas très élevée.

Le doublement est évalué à 256 M€ 2008 (source : PDU approuvé le 2012.10.17, page 118), soit environ 278 M€ actuels.

À titre de comparaison, si cet investissement était effectué en 2013, pour qu'il ait la même efficience économique que le BHNS Ouest, soit environ 26,45 €/(voyage/an) (hypothèse la moins favorable), il faudrait donc que le doublement amène à lui seul 278 000 000 / 26,45 = plus de 10,5 millions de validations supplémentaires sur la ligne A. Je ne pense pas que cela sera la cas.

Néanmoins, ce doublement est nécessaire, pour ne pas trop rentrer dans le cercle vicieux "quais bondés -> portes qui ne peuvent pas se fermer -> temps d'arrêt et donc intervalle de passage rallongé -> quais encore plus bondés", et pour l'image du réseau.

Le doublement sera donc fait, il est d'ailleurs inscrit au PDU.

La décision de ne pas avoir fini de préparer les stations dès la construction de la ligne sera néanmoins une source conséquente de surcoûts et de difficultés techniques (fermer la ligne pendant une ou plusieurs longues périodes, alors que le nombre de bus et le tracé des lignes ne sont désormais plus adaptés pour que la ville fonctionne sans ligne A...).

À court terme, le prolongement Garonne du tramway puis le fait que le BHNS Ouest ira d'Arènes à Matabiau permettront de limiter un peu l'affluence dans cette section de la ligne A, qui est la seule qui pose vraiment problème en terme de saturation.

Un souterrain piéton avec tapis roulant entre Esquirol et Carmes fluidifierait également la situation (coût estimé : 20 M€ HT) :

 


Jean-Luc Moudenc :

Enfin, pourquoi, dans votre proposition, la ligne BHNS ouest de Toulouse est-elle aussi longue ? Pourquoi ce BHNS va-t-il jusqu’à Matabiau ? Les rabattements sur ligne de métro fonctionnent très bien. Une rupture de charge est parfaitement acceptée quand la suite est ultra performante, ce qui est le cas actuellement et serait amplifié par le doublement des rames de la ligne A du métro que vous n’évoquez pas.

Pour aller à Matabiau, la correspondance avec la ligne A offre en effet une solution acceptable, même si :