Bonjour M. Moudenc et merci beaucoup d'avoir pris le temps de rédiger ces commentaires, qui offrent une vraie manifestation de débat public et de proximité d'élu avec ses administrés.
Je vous prie de trouver ci-dessous mes réponses :
Jean-Luc Moudenc :
J’ai lu avec attention votre étude justifiant la création d’une ligne BHNS de Plaisance du Touch à Matabiau.
Ce que vous dites est vrai, mais comment faire autrement?
Vous serez certainement d'accord pour dire qu'il vaut mieux faire des calculs avant que l'ouvrage soit construit, en se basant donc nécessairement sur des estimations, plutôt que de construire des ouvrages "au feeling" et se dire qu'on ne fera des calculs qu'une fois l'ouvrage terminé...
Jean-Luc Moudenc :
On sait que les estimations de trafic sont aléatoires mais les prévisions de coûts le sont tout autant. Il est rare que les coûts réels ne soient pas supérieurs aux prévisions.
Je n'ai pas d'informations à ce sujet. Pour la construction de la ligne B, est-ce que le coût réel a été supérieur à celui annoncé au public? Si oui, de combien?
Puisque vous avez travaillé dans le domaine de la presse régionale, vous conviendrez sans doute que si l'on avait de vrais journalistes d'investigation dans la presse locale, certains d'entre eux pourraient éplucher les marchés publics et les avenants adoptés (à commencer par les fichiers disponibles sur http://www.Tisseo.Fr/lespace-pro/marches-publics), pour un vrai contrôle citoyen des montants annoncés... Mais pour un simple particulier qui a déjà un travail, cela représente une tâche considérable...
Pour les coûts de certains projets futurs, des éléments plaident en faveur du fait qu'ils ne soient pas significativement dépassés :
Cette subvention a été accordée et chiffrée sur la base du coût communiqué par le maître d'ouvrage. Elle est calculée par rapport à ce coût communiqué, en proportion de celui-ci.
Si jamais le coût final s'avérait plus élevé que le coût communiqué, la subvention ne serait pas recalculée en conséquence. Il est donc dans l'intérêt du maître d'ouvrage de ne pas sous-estimer le coût de tous ces projets subventionnés.
Or le coût d'un kilomètre de tramway s'établit usuellement :
Selon Wikipédia, le coût du tramway en lui-même (hors requalification urbaine) est de l'ordre de 10 à 15 M€/km : http://Fr.Wikipedia.org/wiki/Tramway#Co.C3.BBt
Cela m'amène à deux observations :
1. Le coût annoncé se situe à la borne supérieure des coûts considérés usuels, ce qui laisse une marge de manoeuvre pour "tenir" ce coût communiqué. J'aurais été plus "inquiet", si le coût annoncé avait été plutôt faible par rapport aux coûts usuels.
2. Les investissements par passager des TCSP de surface sont en apparence majorés par le fait que, contrairement au métro, ces investissements comprennent une large part de rénovation des espaces publics urbains : trottoirs, chaussées, pistes cyclables, éclairage public, mobilier urbain...), dont tout le monde profite, pas seulement les usagers du tram en question, mais aussi tous les usagers de la rue, ainsi que l'image et l'esthétique de la ville en général. D'après les chiffres ci-dessus, cela représente en moyenne environ 50% des coûts totaux! Jean-Luc Moudenc :
Par ailleurs, quand on ajoute des tronçons comme vous le faites pour le tramway, il est faux de croire que l’on peut simplement ajouter des passagers. En effet, avec cette technique de calcul, certains passagers seraient comptés deux fois. Il faut prendre le nombre total de passagers comme si la ligne avait été construite en une seule fois.
Les chiffres que j'ai indiqués et utilisés sont bien les estimations de passagers supplémentaires.
Par exemple ici : http://www.Toulouse-Metropole.Fr/projets/tramway-garonne, il est écrit :
(Apparté : je rêve que les dirigeants et communicants de tous bords et de tous territoires soient plus rigoureux dans leurs annonces, et précisent au minimum "par jour ouvrable", sans même parler du fait que du 14 juillet au 15 août la fréquentation est substantiellement plus faible, etc.)
Pour ce prolongement Garonne j'ai donc pris dans mon tableau l'estimation de trafic à très court terme (24000 voyages supplémentaires/jour ouvrable).
Avec cette estimation de 30000 voyages/jour ouvrable (il s'agit de l'estimation en 2020, à laquelle contribuent entre autres les voyageurs amenés par le BHNS Ouest), l'investissement tombe alors à 15 €/(voyage/an), rénovation urbaine comprise.
Et même avec une estimation plus basse : 20000 voyages/jour ouvrable, l'investissement serait de l'ordre de 20 €/(voyage/an), ce qui reste tout à fait satisfaisant (investissement encore plus efficient que ceux de chacune des lignes de métro, avec la requalification urbaine en bonus inclus!).
Jean-Luc Moudenc :
Les comparaisons sur les services existants montrent que, contrairement à ce qui est claironné, le coût d’investissement ramené au voyageur du métro est la moitié de celui du tram.
Cela rejoint ma deuxième observation formulée ci-dessus. Pour comparer sur la même base, il faudrait ajouter aux coûts des lignes de métro, l'ensemble de coûts de rénovations d'espaces publics qui ont été réalisées en surface au dessus de ces lignes de métro, pendant par exemple 15 ou 20 ans (durée de vie moyenne des investissements en voirie et espaces publics?)
En outre, j'attends avec impatience les chiffres de fréquentation 2012 du tramway T1, pour réactualiser mon tableau, car la toute première année d'exploitation d'un tramway n'est probablement pas très représentative.
Et j'attends surtout la mise en service des prolongements Garonne et Envol, car à l'heure actuelle la ligne était vraiment dans un état temporaire incomplet : il était tout à fait "non normal" que la troisième ligne de TCSP guidé d'un réseau ne rencontre qu'une des deux premières, alors que son orientation générale la dirige également vers la deuxième, et il était tout aussi "non nominal" qu'une ligne de TCSP passe à proximité d'un générateur de trafic aussi important que l'aéroport de Toulouse, sans le desservir.
D'ailleurs, c'est sous votre mandature qu'ont été décidés la majorité des kilomètres et la majorité des investissements en tramway confirmés jusqu'à présent, donc c'est bien que vous avez trouvé ce mode de transport pertinent, au moins à une époque pas si lointaine.
En votre qualité d'élu, vous bénéficiez sans doute d'un accès facilité aux informations de fréquentation. Ajout ultérieur : la fréquentation du tramway a augmenté de 15,4% en 2012 par rapport à 2011.)
En effet, on a évidemment commencé par construire des TCSP là où la demande était la plus forte, et cela est bien normal.
À présent, il faut continuer d'en construire d'autres (comme le font toutes les agglomérations développées), là où la demande est un peu plus faible (ce qui fait que le tram ou le BHNS peut y être plus adapté que le métro); le trafic sera donc bien entendu inférieur à celui de la ligne B (et a fortiori à celui de la ligne A), mais il est néanmoins largement suffisant pour justifier la création de TCSP de surface.
Le même phénomène s'applique pour les Lignes à Grande Vitesse : on a commencé par construire Paris-Lyon, parce que c'est là qu'il y avait le plus de demande, mais à présent il faut aussi construire Bordeaux-Toulouse et/ou Toulouse-Narbonne. Peut-être avec un investissement plus contenu, par exemple peut-être pas à 320 ou 350 km/h tout le long du tracé car la demande y est moindre, mais il faut les construire quand même.
Jean-Luc Moudenc :
Je regrette cependant que vous n’ayez pas poursuivi votre analyse en calculant les coûts de fonctionnement et en intégrant l’amortissement de ces différents TCSP, ce qui vous aurait permis de justifier vos propos « plus un mode de transport est lourd, plus le coût de fonctionnement par passager est faible » et démontrer ainsi l’intérêt du choix du métro sur des axes à forte fréquentation.
Personne ne remet en cause l'intérêt du métro sur le tracé de la ligne A ou de la ligne B. Par contre, construire du métro jusqu'à Plaisance-du-Touch serait évidemment absurde (déjà que pour Labège cela semble discutable...), sans parler de Fonsorbes qui va bientôt intégrer le Périmètre des Transports Urbains de par leur adhésion à la Communauté d'Agglomération du Muretain; il faut donc bien apporter une solution différente, mais également efficace, pour l'ouest-sud-ouest de Toulouse.
Jean-Luc Moudenc :
Et que dire de la rentabilité d’un doublement des rames de la ligne A !
À vrai dire, je pense que la rentabilité intrinsèque du doublement n'est pas très élevée.
Le doublement est évalué à 256 M€ 2008 (source : PDU approuvé le 2012.10.17, page 118), soit environ 278 M€ actuels.
À titre de comparaison, si cet investissement était effectué en 2013, pour qu'il ait la même efficience économique que le BHNS Ouest, soit environ 26,45 €/(voyage/an) (hypothèse la moins favorable), il faudrait donc que le doublement amène à lui seul 278 000 000 / 26,45 = plus de 10,5 millions de validations supplémentaires sur la ligne A. Je ne pense pas que cela sera la cas.
Néanmoins, ce doublement est nécessaire, pour ne pas trop rentrer dans le cercle vicieux "quais bondés -> portes qui ne peuvent pas se fermer -> temps d'arrêt et donc intervalle de passage rallongé -> quais encore plus bondés", et pour l'image du réseau.
Le doublement sera donc fait, il est d'ailleurs inscrit au PDU.
La décision de ne pas avoir fini de préparer les stations dès la construction de la ligne sera néanmoins une source conséquente de surcoûts et de difficultés techniques (fermer la ligne pendant une ou plusieurs longues périodes, alors que le nombre de bus et le tracé des lignes ne sont désormais plus adaptés pour que la ville fonctionne sans ligne A...).
À court terme, le prolongement Garonne du tramway puis le fait que le BHNS Ouest ira d'Arènes à Matabiau permettront de limiter un peu l'affluence dans cette section de la ligne A, qui est la seule qui pose vraiment problème en terme de saturation.
Un souterrain piéton avec tapis roulant entre Esquirol et Carmes fluidifierait également la situation (coût estimé : 20 M€ HT) :
Jean-Luc Moudenc :
Enfin, pourquoi, dans votre proposition, la ligne BHNS ouest de Toulouse est-elle aussi longue ? Pourquoi ce BHNS va-t-il jusqu’à Matabiau ? Les rabattements sur ligne de métro fonctionnent très bien. Une rupture de charge est parfaitement acceptée quand la suite est ultra performante, ce qui est le cas actuellement et serait amplifié par le doublement des rames de la ligne A du métro que vous n’évoquez pas.
Pour aller à Matabiau, la correspondance avec la ligne A offre en effet une solution acceptable, même si :
Et les voies bus et les stations BHNS aménagées entre Arènes et Matabiau feront aussi gagner du temps et du confort aux centaines de bus urbains (autres lignes que le BHNS) et interurbains (autocars du Conseil Général...) qui empruntent chaque jour tout ou partie de cet itinéraire.
Réduire la place et la vitesse des automobiles devant Compans-Caffarelli, et en améliorer l'accessibilité, permettront peut-être aussi de donner enfin à l'activité commerciale de ce centre l'essor qu'il n'a jamais eu malgré son emplacement de premier choix.
Enfin, une évolution assez probable, même si son calendrier n'est pas maîtrisé par le SMTC, sera la réduction des immenses parkings à l'air libre de la Cité administrative et de l'Université Toulouse I Capitole, qui ne sont plus trop en phase avec le XXIème siècle, en plein centre-ville (cliquer pour agrandir) :
Ainsi que la réduction du stationnement le long du Canal de Brienne :
Et à ce moment-là, le fait que ce secteur bénéficiera aussi d'une desserte par BHNS (et plus généralement bus et autocars performants grâce aux voies aménagées), sera un atout fondamental.
J'en profite d'ailleurs pour saluer ici votre courage politique, lorsque sous votre mandature le nombre de places de stationnement gratuit sur voirie en centre-ville est passé de 10800 à 4650 (PDU, page 56), soit -57%. Tout comme la réorganisation du stationnement à Lardenne, c'est une étape difficile au premier abord, mais nécessaire face aux enjeux qui se dressent devant nous.
Voici également une page sur les raisons pour lesquelles le BHNS va jusqu'à Matabiau.
Jean-Luc Moudenc :
Quant aux images de relations apaisées entre les commerçants et le BHNS, elles dénotent une incompréhension totale de ce qu’est le commerce dans les quartiers périphériques. En ce qui concerne le quartier de Lardenne par exemple, il est peu probable que les BHNS amènent des clients. Non seulement les commerçants, mais aussi tous les habitants alentour, vont y perdre si les possibilités de se garer sont réduites. Il ne faut pas que le BHNS tue la vie des quartiers !
Je regrette donc que votre analyse, au demeurant intéressante et argumentée, n’intègre pas ces données essentielles que sont la vie des quartiers et l’activité des commerces.
Comme vous avez pu le constater, je privilégie les informations concrètes et documentées. Avez-vous des exemples dans des villes comparables, de dépôts de bilan de commerces suite à la construction d'une ligne de tramway ou BHNS?
Jean-Luc Moudenc :
A mon sens, comme je le dis fréquemment, la question des transports collectifs ne peut se résoudre par une seule solution mais par un panel de différentes solutions complémentaires et adaptées.
JLM
On ne pouvait rêver meilleure conclusion, car nous sommes entièrement d'accord là-dessus!
Il y a un proverbe que j'aime bien citer lorsque je rencontre quelqu'un qui pense que des autorités organisatrices de transports urbains devraient consacrer l'intégralité de leur budget TCSP à la construction de métros :
"Quand on a comme seul outil un marteau, c'est fou ce que toutes les problématiques se mettent à ressembler à des clous..." (attribué à Abraham Maslow)
J’ai noté dans votre analyse, fort intéressante, des incohérences qui m’amènent à formuler les observations qui suivent.
Vous présentez tout d’abord les différents projets de TCSP de l’agglomération toulousaine en termes d’investissement rapporté à la fréquentation. Vous comparez des données non comparables: d’une part des résultats, ceux du métro ligne A et B, et du tram T1, d’autre part des estimations de projets, des trams Garonne et Envol, de l’Aérotram, du prolongement de la ligne B à Labège, du BHNS Sud-Ouest !
Pourriez-vous communiquer la fréquentation 2012 du tramway dès que ce chiffre sera disponible?
Ce serait très aimable de votre part, et très positif pour la transparence des résultats de l'action publique (ce qui correspond désormais à une demande forte des administrés, d'où la démarche "Open data" : http://Data.GrandToulouse.Fr, mais qui ne propose pas encore de données relatives à la fréquentation des transports en commun).
(
De plus, une observation générale : il ne serait pas choquant que le coût d'investissement ramené au voyageur soit plutôt en légère augmentation pour les nouveaux projets (ce qu'on constate déjà avec la ligne B par rapport à la ligne A).
En particulier pour passer à l'étape suivante du transport ferroviaire de voyageurs : les extrémités métropolitaines et l'international, avec des trains de nuit à grande vitesse (avec lits, comme l'Espagne en a récemment acquis) reliant Perpignan-Narbonne-Carcassonne-Toulouse à Lille-Londres/Bruxelles-Rotterdam-Amsterdam, Strasbourg-Francfort ou encore Lisbonne, Milan ou Rome, afin de pouvoir faire ces voyages de centre-ville à centre-ville sans perdre la moitié voire deux tiers d'une journée (transferts vers et depuis l'aéroport + enregistrement(s) + embarquement(s) + vol(s)), tout en réduisant notre déficit commercial et notre dépendance vis-à-vis de pays exportateurs de pétrole, et en oeuvrant pour limiter les nuisances pour les habitants des zones exposées au bruit de l'aéroport de Blagnac (dont entre autres Lardenne).
 
De plus, le BHNS Ouest desservira également au moins 4 arrêts entre Saint-Cyprien et Matabiau, pour lequel un terminus aux Arènes imposerait une double correspondance, ce qui est rebutant.
(Ces organismes publics ne montrent pas l'exemple en matière d'optimisation des ressources et d'incitation à la mobilité durable...)
(que nous pourrons vérifier auprès du Registre du Commerce et des Sociétés, et pour lesquels nous pourrons aussi regarder le nombre de créations d'activités ayant eu lieu dans le même temps puis par la suite, sur l'itinéraire desservi par la ligne).
Merci encore pour ces premiers échanges, et je me tiens bien entendu à votre disposition pour les continuer, par écrit ou à votre permanence si cela vous agrée.
Plus généralement pour tous les lecteurs : Un commentaire, une réaction? E-mail : BHNS.Toulouse.Ouest@